Édition du mardi 31 janvier 2017
Manuel Domergue (Fondation Abbé-Pierre) : « C'est l'échelle intercommunale qui nous semble la plus pertinente pour les politiques du logement »
© Cese
La Fondation veut montrer « que les solutions existent face au problème du logement et à une époque où certains tendent à baisser les bras ». Mais qui baisse les bras ?
Nous sommes entourés par une sorte de fatalisme ambiant. Nous avons l'impression que plus personne n'ose s'engager dans des choses ambitieuses. Nous avons même entendu la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, dire que les objectifs du quinquennat avaient été atteints. Ces objectifs devaient être très modestes alors ! Nous pensons au contraire que nous ne pouvons pas nous résigner.
La première partie du rapport est un bilan du quinquennat, que vous qualifiez en « demi-teinte ». C'est-à-dire ?
On ne peut pas dire que le bilan est positif quand il reste autant de personnes qui dorment à la rue. Nous faisons bien l'addition de ce qui a été fait, il y a eu des avancées ou des grains semés, sur la rénovation thermique ou l'augmentation du nombre de logements sociaux par exemple, mais beaucoup de chantiers restent au milieu du gué...
Pour quelle raison selon vous : manque de moyens, de volonté politique ?
La question budgétaire est bien évidemment l'une des clés. Prenons la Garantie universelle locative. C'était une bonne idée qui a été bloquée sous prétexte qu'elle déresponsabiliserait. Or, la vraie raison était que l’État ne voulait pas y mettre de l'argent !
Vous contestez la réalité de la doctrine du « logement d'abord »....
La ministre nous explique qu'elle a augmenté le nombre de places d'hébergement. C'est une chose. Sauf que l'objectif, c'est un logement ! Cela suppose de créer des logements. Or, l'objectif de 150 000 logements sociaux par an n'a jamais été atteint. Au-delà de ce chiffre totem, nous observons par ailleurs que de plus en plus de logements PLUS et même PLAI (accessibles à une personne au smic) ont des loyers au-dessus de ce que l'APL prend en charge pour solvabiliser le locataire. Résultat, les commissions d'attribution refusent des ménages modestes. Cette dérive du coût du logement est certes liée à des effets structurels, mais également au fait que l’État subventionne de moins en moins la production de logements sociaux. Les aides à la pierre ont nettement baissé, les subventions aux logements sociaux ont été divisées par deux au lieu d'être doublées pendant ce quinquennat. On demande alors soit aux collectivités de compenser, mais elles sont aux taquets, soit on fait payer les locataires...
Les élections présidentielles sont au cœur de ce rapport, avec une quinzaine d'axes de propositions que vous soumettez aux candidats...
Le but n'est pas de sortir des idées forcément nouvelles mais plutôt d'aller chercher ce qui se fait et fonctionne, et voir comment donner de l'ampleur à ces initiatives. La politique du logement est une chaine, elle coordonne beaucoup d'aspects sociaux, économique, etc. Ce n'est donc pas en agissant sur une manette que l'on résout la situation mais en intervenant dans plusieurs directions.
Par exemple sur la mobilisation du parc privé, la Fondation avait rendu des propositions à la ministre, restées sans suite. Qu'attendez-vous des élus ?
Nous sommes pour une politique du logement et de l'urbanisme mise en œuvre par les élus locaux, à l'échelle intercommunale. Il leur revient par exemple d'intégrer la mobilisation du parc privé dans leur PLH ainsi que la délégation des aides à la pierre. Nous citons quelques expériences comme celles de Grenoble, Rennes, Strasbourg.
Pour vous, la bonne échelle est forcément intercommunale ?
C'est en tout cas l'échelle qui nous semble la plus pertinente car des communes trop petites ne peuvent pas gérer des politiques volontaristes sur le logement qui sont forcément lourdes et complexes. A l'échelle de l’intercommunalité, le réflexe du chacun pour soi est plus difficile. On sait qu'il y a des désaccords avec des élus sur cette question, voire des résistances, que l'on comprend car personne n'accepte facilement d'être dépossédé de ses compétences. Mais ce sujet avance et des maires prennent conscience qu'à cette échelle ils peuvent mieux faire passer leurs priorité.
Vous proposez de confier aux intercommunalités la mise en œuvre du droit au logement. Qu'est-ce que cela signifierait concrètement ?
C'est pour l'instant encore quelque chose de vague. Vu sous un angle strict, ce serait que l'EPCI soit responsable du droit au logement opposable (DALO), responsabilité aujourd'hui de l’État. Tant que les EPCI n'ont pas les moyens de mener une politique entière, ce n'est bien sûr pas réaliste. Mais prenons là encore l'attribution des logements sociaux au niveau intercommunal, cela leur donne une responsabilité pour faire respecter le DALO à leur échelle.
Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser
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